L’atelier Alebrijes de Madera : l’âme zapotèque des alebrijes de bois de copal

L’atelier Alebrijes de Madera est situé à San Martín Tilcajete, dans les vallées centrales de l’État d’Oaxaca, terre de savoirs ancestraux. Mais c’est à San Pedro Tlaquepaque (État de Jalisco) que j’ai rencontré Bernardita Mejia Perez (qui préfère être appelée Bernarda), zapotèque fière de ses origines, et Ulises Contreras, jeune artiste mexicain passionné, tous deux membres de cet atelier.

Un héritage zapotèque vivant

Originaire du village de Santa Cecilia (Oaxaca), Bernarda parle deux variantes de la langue zapotèque (qui en compte une vingtaine), transmises par ses parents issus de deux communautés différentes. Elle incarne une culture encore bien vivante, qu’elle chérit et transmet à ses enfants.

Ulises, quant à lui, a été « adopté » par l’atelier. Artiste dans l’âme et rêveur, il ambitionne un jour de travailler pour les studios Marvel. Mais surtout, il partage avec enthousiasme son attachement aux traditions mexicaines.

Une transmission de génération en génération

La sculpture et la création d’alebrijes de bois sont des savoir-faire qui se transmettent de génération en génération. Bernarda a appris son art de ses parents qui eux-mêmes l’ont appris des leurs et aujourd’hui elle enseigne cet héritage à ses enfants.

L’apprentissage de cet art

L’apprentissage de la fabrication des alebrijes commence dès l’enfance. Les enfants sculptent d’abord des pièces dites rustiques (avec moins de détails) vers 7 ans, puis apprennent les différentes techniques de peinture (fleurs, rayures, points, greca) vers 12 ans. C’est à ce moment que se dessine leur voie : les créateurs qui réaliseront les pièces rustiques et ceux qui se consacreront aux pièces fines (car tout le monde n’a pas le don de pouvoir créer des alebrijes).

Bien que généralement les femmes poncent, polissent et peignent les alebrijes de bois taillés par les hommes, car cela implique l’utilisation de couteaux et d’outils extrêmement tranchants et donc de forts risques de blessures, Bernarda a pendant longtemps sculpté ses propres créations.

Un rêve révélateur pour Bernarda

Bien qu’enfant, Bernarda n’aimait pas particulièrement sculpter, tout a changé pour elle après un rêve marquant. Une nuit, elle rêva que son village et sa maison étaient en feu. Seule avec son petit chien, elle était perdue et terrifiée, ne sachant que faire.

Soudain, son chien lui parla : il lui dit de ne pas avoir peur, qu’il allait la sauver. Puis, sous ses yeux, il se transforma en un chien immense. Bernarda hésita à monter sur son dos, paralysée par la peur.

Mais des ailes poussèrent sur le dos de l’animal. Il l’obligea doucement à grimper, et la transporta loin du danger.

Ce rêve fut une révélation. Elle comprit qu’elle était faite pour créer des alebrijes, et qu’ils seraient pour elle plus qu’un artisanat : une vocation. Depuis, elle leur porte une profonde affection, consciente du lien spirituel qu’ils incarnent.

Des techniques de peinture minutieuses

Certains alebrijes sont peints à la main avec des peintures acryliques (opaques ou fluorescentes) et d’autres avec une peinture appelée greca. Celle-ci est certainement la plus complexe. Elle est appliquée entièrement à main levée, ce qui s’avère assez fatiguant et prend beaucoup de temps. De plus, elle est élaborée à partir de pigments naturels (fleurs de campasuchil, cal naturel, jus de citron, cochenille du nopal et grenade). A partir de ces cinq pigments, ils peuvent obtenir une vingtaine de couleurs différentes. Les motifs reproduits avec la peinture greca sont ceux gravés par les zapotèques préhispaniques sur les pyramides.

Pour peindre, différents ustensiles sont utilisés comme des gros pinceaux ou des éponges pour la première couche de peinture et des pinceaux fins ou des aiguilles de végétaux comme celles du maguey (agave) pour réaliser les décorations et les détails.

Le copal : bois sacré et matière première

Pour la confection de leurs créations, les artisans de l’atelier Alebrijes de Madera utilisent le bois de copal. Outre le fait que c’est un bois doux et tendre qui leur permet de créer des pièces uniques, le copal est une essence sacrée qui fut utilisée par de nombreuses civilisations préhispaniques. Aujourd’hui, il est toujours employé sous forme d’encens lors de cérémonies et durant la fête des morts. C’est dans le village de Santa Cecilia que l’atelier sème et cultive son copal.

Un art collectif et engagé

Créer un alebrije demande la collaboration de 6 à 7 personnes : de la coupe du bois à la sculpture, du ponçage à la peinture. Aucune étape n’est automatisée. Aucun moule, aucune décalcomanie, seulement des mains, de la patience, de l’imagination et une profonde implication.

Bernardita Mejia Perez

Ulises Contreras