Histoire et technique de la broderie de Tenango (Jatzis)

Publié le 27 mars 2025 à 12:01

Depuis l’époque préhispanique, les Otomis (ou Ñahñu dans leur langue maternelle) sont reconnus pour la qualité de la confection de leurs vêtements et de leurs broderies. Avec le temps et la conquête espagnole, les techniques de broderie ont évolué (broderie pepenado, point de croix…). C’est dans les années soixante, dans la communauté Otomi de San Nicolás (village situé à dix minutes de la ville de Tenango de Doria, Hidalgo), que furent créés la broderie de Tenango et les premiers Tenangos (Jatzi en Ñahñu) tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Une histoire de résilience et de transmission générationnelle et communautaire

La créatrice reconnue de ces premières œuvres se prénomme Josefina José Tavera, malheureusement décédée en 2020 à l’âge de 87 ans. Il existe bien évidemment diverses versions quant aux raisons de la création des Tenangos, et celle relatée ici est très personnelle puisqu’elle m’a été contée par Reina Candelario José, fille de Josefina José Tavera. Ce témoignage m’a été traduit en simultané de l’Otomi à l’espagnol par Rebeca López Patricio.

Alors que Doña Reina était enfant, son père, très machiste, les rejeta, elle, ses trois sœurs et sa mère Doña Josefina, car cette dernière ne lui avait pas donné de fils. À partir de ce moment, Doña Josefina n’a eu d’autre choix que de compter sur elle-même pour subvenir aux besoins de ses filles. Elle acheta du tissu et du fil de coton. Totalement autodidacte, elle n’a jamais suivi de cours de dessin ou de graphisme. Pourtant, s’inspirant des anciennes broderies Ñahñu et de la faune et la flore qui l’entouraient, elle dessina sur son tissu divers animaux qu’elle broda ensuite à la main.

Avec l’aide de sa mère et de ses filles, Doña Josefina commença à vendre son travail dans les villages aux alentours de San Nicolás, puis à Mexico, où un Américain fut séduit par ses œuvres et lui commanda diverses pièces. Ainsi naquit la broderie de Tenango et l’aventure des Tenangos de San Nicolás.

Josefina José Tavera enseigna ses techniques de dessin et de broderie à ses filles, ainsi qu’à quasiment toutes les femmes et tous les hommes de San Nicolás. Ce qui fait de la broderie des Tenangos non seulement un art générationnel, mais également celui de toute une communauté.

 

Dessiner la vie, broder la mémoire : Les étapes de création d’un Tenango

Chaque Jatzi commence par une idée : une scène de la vie quotidienne, un animal, une plante, ou des références aux peintures rupestres de la région. Ces dessins racontent aussi la cosmovision des Otomis : fêtes, traditions, croyances.

Autrefois réalisés uniquement sur coton avec des fils rouges et noirs (symbole du bien et du mal), les Tenangos sont aujourd’hui également multicolores et brodés sur d'autres supports. Les fils sont divisés pour affiner les points, donnant naissance à des broderies d’une finesse remarquable.

Un artisanat menacé par la contrefaçon et l’appropriation culturelle

Malheureusement, comme beaucoup d’artisanat, la broderie de Tenangos souffre de plagiat et d’appropriation culturelle de la part de certaines grandes marques. Il existe également beaucoup de contrefaçons de la broderie de Tenango et une dévalorisation du travail de l’artisan qui bien souvent est contraint de vendre ses œuvres à un prix bien moindre que sa réelle valeur.

Un artisanat d’art vivant, symbole de la cosmovision Otomi

Chaque Tenango est non reproductible : il incarne l’âme, la mémoire et la vision du monde de son créateur.

Ce savoir-faire fait partie des trésors les plus colorés et emblématiques de l’artisanat mexicain.

Doña Reine avec l'une de ses créations


Brodeuse de Tenango à San Nicolas, Hidalgo


Peinture murale représentant les brodeurs de San Nicolas, Hidalgo


Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.